dimanche 28 novembre 2010

Aux Yeux Du Monde (1991)

Un film d' Eric Rochant avec Yvan Attal, Kristin Scott Thomas et Marc Bermann

Bruno, un jeune homme de 22 ans, veut prouver au monde qu'il existe. Il détourne ainsi un car scolaire pour rejoindre sa petite amie qui habite à des centaines de kilomètres de chez lui. Inoffensif, il n'en court pas moins le risque de devenir dangereux. C'est un coup de bluff romantique qui peut lui être fatal.

            Avec son second long-métrage, le jeune réalisateur Eric Rochant abandonne Lutèce (Paris est le lieu de tous ses courts et de son premier long) pour le sud-ouest de la France (Limousin, Lot…). Fort du succès public et critique d’ « Un Monde Sans Pitié », les productions Lazennec par l’intermédiaire Alain Rocca lui donnent une totale liberté pour réaliser « Aux Yeux du Monde » . Il retrouve ici quelques uns de ses collaborateurs fétiches comme Pierre Novion (photo) et Gérard Torikian (musique) et rappelle Yvan Attal pour jouer Bruno le jeune personnage principal. En s’exilant de Paris, Rochant renoue avec le cinéma américain des années 1970 qu’il affectionne. En signe de clin d’œil il décide d’utiliser de longues focales afin de donner un côté réaliste (ou reportage) à sa fiction. Son scénario n’est pas sans rappeler « Un après midi de chien » (Dog Day Afternoon) de Sidney Lumet où le personnage d’Al Pacino ressemble d’une certaine manière à celui d’ Yvan Attal .

      Après les 93 minutes de projection, ce film est une bonne surprise. Inspiré d’un véritable fait divers Eric Rochant évite au spectateur de lui proposer un film social engagé véhiculant des messages poncifs et une pseudo-morale. Il prend le parti de ne donner aucune clé aux spectateurs pour comprendre les motivations et la psychologie du jeune preneur d’otage mais l’essentiel n’est pas là. Je sens chez Rochant le véritable plaisir de filmer. Il réussit parfaitement son défi et son exercice de style (la grande partie du film se déroule dans l’autocar ou bien dans quelques cabines téléphoniques ponctuant le calvaire des enfants). Très vite le réalisateur désamorce une situation tendue en intégrant à chaque fois des éléments comiques pour donner à certaines scènes un peu plus de légèreté. A ce titre la scène du tri des enfants par Bruno est l’une des plus réussies et des plus drôles du film.

   Au final le personnage d’Yvan Attal est très sympathique. Bien qu’il soit un irresponsable, un fou, le spectateur devine assez vite qu’il ne fera pas de mal aux enfants. Certes il est déterminé mais son objectif est dérisoire quasiment fleur bleue, celui de faire parler de lui dans les médias pour devenir l’idole de sa petite amie (Charlotte Gainsbourg). Il agit comme un enfant et Kristin Scott Thomas (parfaite dans le rôle de l’institutrice) le remet à sa place et prend le dessus sur lui quand elle parvient à asseoir son autorité sur  celle de Bruno. Pour souligner son côté juvénile, Rochant a eu l’idée lumineuse de faire porter à Yvan Attal le maillot de l’équipe de France. Ce vêtement est révélateur de son comportement mental, il agit par mimétisme comme les supporters simplets de football. Comme disait Audiard « le football n’intéresse que les politiques, les enfants et les marchands de ballon ». Tout dans son attitude, son look le rapproche d'un jeune ado. En perte de repères, il se conduit comme un enfant sans se soucier des conséquences inéducables de ses actes. Dès les premières secondes Rochant parvient à capter les signes montrant l’instabilité d'un jeune homme en quête de sensations fortes.


        Bruno n’est pas un braqueur plein de sang-froid, pendant toute la durée du film il alterne à la fois entre le bonheur, l’exaltation de ne plus etre un ringard mais d'être quelqu'un et la peur d’échouer dans son rêve. La distribution d’acteur est très efficace avec le mystérieux Marc Berman, et la très juste Kris Scott Thomas. Le jeune réalisateur a eu le défaut d’être trop dogmatique dans sa direction d’acteur. Yvan Attal joue un peu trop dans le registre de la colère. Il lui arrive d’être agaçant quand il hurle un peu trop souvent à ses otages mais cela n’enlève rien à l’interprétation magistrale qu’il nous délivre. Il nous fait croire à 100% à son personnage.

    Le rythme du film est très soutenu et le temps passe très vite dans cet autocar sillonnant les routes de la Dordogne et du Lot mais à sa sortie le film fut un véritable échec commercial et critique. Il faut croire que le sujet a dérouté le peu de spectateurs qui l’ont vu. Ceux qui ne ce sont pas déplacés ont craint peut-être le sentiment de déjà vu, trop lassés des prises d’otages vues et revues dans les films, téléfilms et surtout dans les séries policières.
       Pourtant Rochant a l’intelligence de faire preuve d’originalité dans son traitement scénaristique de ce fait divers. Il fait partie des grands réalisateurs savant jouer avec le spectateur, en exploitant au bout certaines situations. La scène du revolver récupéré par les enfants en est un bon exemple, le cinéaste parvient avec malice à jouer avec nos nerfs. Le film n’exploite pas assez ce filon, je le regrette.
La mise en scène est assez élaborée très efficace, elle montre que nous ne sommes pas dans un téléfilm pour France 3 mais bien dans un film à l'image de la très belle séquence de l'orage.
       Un film donc à (re)voir et à (ré)habiliter montrant toute l’étendue du talent et du potentiel d’Eric Rochant, potentiel qu’il concrétisera avec ce qui reste son chef d’œuvre « Les Patriotes » sorti en 1995.



 Note: 3.5/5
93 minutes
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Français

1 commentaire:

  1. Un cinéaste à découvrir je pense. Il mérite que l'on considère son début de carrière au moins. Et un nouveau blog à suivre ! ;)

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